Chaque jour qui passe est un jour de trop. Plus de 3 personnes par jour qui ne se suicideraient pas, cela n'en vaut-il pas la peine? Plus de 3 opportunités manquées par jour d’offrir encore une chance à la vie. La dernière.

Ce message pour expliciter ma motivation à poursuivre mon action de porte-parole du combat d'Edith pour que dans l'avenir des personnes en souffrances psychiques comme elle soient "écoutées".

Un révélateur fut la lecture de la phrase suivante : « Dans plus de 50% des cas, les patients (1) qui demandent l’euthanasie pour cause de souffrances psychiques décideront finalement de continuer à vivre.»

En Belgique, chaque jour (2), en moyenne 7 suicides, 90% avec des problèmes psychiques. Soit, 2.299 suicides par an, 6 par jour, pour souffrances psychiques.

6 suicides par jour pour souffrances psychiques, est-ce une fatalité?

 Combien d'entre eux pourraient être "sauvés" si la question "suicide" versus "euthanasie" était abordée avec eux ? Avec leurs parents et leurs proches?

Plus de 50% ? Cela représenterait en moyenne plus de 3 opportunités manquées par jour d’offrir encore une chance à la vie. La dernière. Et pour les autres, des opportunités manquées de séparations sereines lors d’une euthanasie.

Si la mort d’un enfant et plus particulièrement son suicide sont difficiles à accepter, communiquer au sujet de l’euthanasie avec les patients en souffrances psychiques insupportables ainsi qu’avec leurs parents et leurs proches est porteur d’espérance dans des directions fort différentes. D’une part – très éloignée du chemin solitaire, douloureux, atroce et humiliant du suicide – existe, si le choix du patient pour l'euthanasie est inéluctable, la possibilité légale de mourir avec dignité, sereinement entouré. D’autre part, existe une autre - à ne pas sous-estimer - perspective chargée d’espoir. Celle du soulagement, de l’apaisement des patients, d’une amélioration de leur état, menant certains d’entre eux à décider de donner encore une chance à la vie. La dernière.

En guise de conclusion, mes pensées vont à ces parents qui, lorsqu’ils apprennent que leur enfant s’est suicidé, sont, malgré leur profonde détresse, envahis par un sentiment en particulier qui, fugace, avec une compassion évidente, leur fait penser, soulagé, il ne souffre plus, il est libéré, enfin. Après avoir entendu que leur enfant, en souffrances psychiques depuis si longtemps a demandé à être euthanasié et que sa demande a été acceptée, viendra, je le souhaite, le temps où des parents correctement accompagnés, se rallieront à ce choix et diront : “Enfin il ne souffrira plus, il sera libéré.”

Même après l'euthanasie, le processus de reconstruction de deuil après la mort d'un enfant restera une épreuve. Mais sans les images d’un carnage indicible, d’un bain de sang indescriptible, dans une solitude humiliante. En présence de la famille et des proches, avec les souvenirs d’une séparation calme, de sérénité, de mots chaleureux, d’embrassades et de poignées de main, de câlins et d’échanges de regards affectueux, le chemin vers l'acceptation sera certainement plus apaisé.

Ce que je souhaite par-dessus tout est qu’après avoir entendu que leur enfant, en souffrances psychiques depuis si longtemps, a demandé à être euthanasié et que sa demande a été écoutée, viendra le temps où des parents diront : “Ouf, notre enfant fait partie de ces plus de 50% qui offrent encore une chance à la vie. La dernière” .

Les propositions d’extensions de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie  directement liées au cas de ces suicides pour souffrances psychiques sont : (i) l’obligation du médecin traitant opposé à l'euthanasie de renvoyer le patient à un confrère n° 5-22/1. ; (ii) l’obligation pour le médecin qui refuse de pratiquer une euthanasie d'adresser le patient à un confrère n° 5-1798/1.- ; (iii) fixer un délai à respecter par le médecin, d'une part, pour répondre à la demande d'euthanasie du patient et, d'autre part, pour transmettre le dossier médical du patient à une commission au cas où il refuserait d'accéder à la demande de celui-ci (n° 5-2172/1. Et enfin (iv) une amende administrative au médecin qui ne respecte pas l'obligation de déclaration n° 5-1935/1. (3) 

Selon moi, chaque jour qui passe est un jour de trop.

 Chaque jour des médecins refusent pour divers motifs d’écouter les demandes d’euthanasie de personnes en souffrances psychiques, conscientes de la dimension terminale de leur maladie, ayant leur capacité de discernement. Chaque jour des patients en grande souffrance psychique se suicident faute d’avoir été écoutés.

Approuver ces propositions d’extension permettrait d’assurer une écoute appropriée de ces patients-là.

Approuver ces propositions permettrait de communiquer correctement avec ces patients, de développer un autre mode de communication avec eux, où la mort, leur mort, serait abordée sans tabous.

De grands efforts doivent être effectués au sein du corps médical pour améliorer la communication avec les patients en souffrances psychiques demandeurs d’euthanasie. Ce thème devrait être introduit dans leur cursus au cours de leur formation.

Avec en toile de fond la perspective non négligeable de sauver en moyenne plus de 3 personnes par jour qui décideront peut-être d’offrir encore une chance à la vie.

Plus de 3 personnes par jour qui ne se suicideraient pas, cela en vaut la peine.

 (1) Interview T. Van Loon & L. Thienpont par Marleen Finoulst. BODYTALK mars 2013, p.33 à 35.

(2) Diapositive 41 de la Présentation Power Point du Dr. Lieve Thienpont lors de son audition par la Commission réunie de la Justice et des Affaires sociales du mercredi 15 mai 2013 au Sénat.

(3) Le site du Sénat de Belgique, sous la rubrique « Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales », l’intitulé «  Dossiers à l’examen ».