Impossible de t'oublier Edith.

Bonsoir Edith,

Cette après-midi, 25 mai 2016, au Centre d'Action Laïque, Boulevard de la Plaine, 1050 Ixelles, il a beaucoup été question de toi.

Madame Catherine Haxhe, Journaliste/Présentatrice des émissions « Libres, ensemble », nous a contacté, Madame Jacqueline Herremans, Présidente de l’ADMD et moi afin de participer à l’enregistrement d’une émission radio qui sera diffusé sur la RTBF le samedi 28 mai prochain. 

C'est dans le cadre des "Emissions ARR" - des émissions concédées aux associations représentatives reconnues religieuses et philosophiques (Libres, ensembles, La Voix Protestante, Il était une foi, Orthodoxie, Shema Israël) - que l'émission passera donc en radio sur la Première (rtbf) ce samedi 28 mai à 20h05 "Libres, ensemble" "Euthanasie et psychiatrie".

 

Si vous souhaitez réécouter cette interview : une fois sur le site dirigez directement le surseur sur 06:50 et écoutez jusqu'à 35:50

 

Le thème est celui qui avait été choisi le 30 avril pour l’Assemblée générale de l’ADMD « Psychiatrie et euthanasie : le grand malentendu ».

 

Quelle après-midi. Tout au long du trajet qui m'a ramené à la maison, les pensées se sont entrechoquées en mon esprit. Perpétuer ton souvenir. Redonner vie à une telle tranche de vie familiale, à tant de beaux moments partagés à tant d’opportunités manquées. Porter ensemble ton message. Pour une meilleure écoute. Sans tenter de comprendre la souffrance psychique d’autrui. Simplement en la validant. Pour une meilleure communication. Cette rencontre portait bien son nom, malentendu entre Psychiatrie et Euthanasie. Ne pas entendre, mal entendre, ne pas vouloir / pouvoir entendre, ne pas écouter. Notre « Appel pour plus de proactivité au sujet du désir de mourir et de l’euthanasie dans la prestation de soins pour souffrances psychiques » ne visait rien d'autre. Attirer l’attention sur l’importance de plus de proactivité dans la communication afin de lever le malentendu entre psychiatrie et euthanasie.  La psychiatrie a encore bien du mal avec la question : « Puis-je mourir et voulez-vous m’aider ? » La psychiatrie a-t-elle tellement difficile à être un peu plus proactive à l’égard de patients totalement impuissants ? Anéantis par leur maladie autant que par leur médication que reste-t-il de leur capacité d'assertivité? Bien plus encore que leur souffrance physique, leur souffrance psychique est intime… tant elle leur semble injustifiée... injustifiable… difficile à avouer… la pudeur intervient... qui les empêche d’en parler… pour masquer un sentiment de culpabilité, de n’être ou n’avoir pas été à la hauteur.  Aussi osons plus de proactivité au sujet du désir de mourir et de l’euthanasie dans la prestation de soins pour souffrances psychiques. Osons, tant les thérapeutes que les proches agir de manière plus proactive, en allant vers la personne en souffrance, en posant des questions qui permettent à la personne en souffrance de briser ses réserves, hontes et pudeurs, et d'avoir des conversations à armes égales, au sujet de ses préoccupations de vie et de mort, de suicide et d’euthanasie. À tout le moins, des conversations où l’on s’exprime ouvertement, une bonne sensibilisation des patients et de leurs proches, sur les différentes possibilités de fin de vie prévues par la législation belge. La société, y comris la communauté médicale ne toléreraient donc pas les personnes en souffrances psychiques, les patients, capables de s'exprimer? Capables de narrer eux-même leurs souffrances incompréhensibles pour autrui et à les quantifier. Capables de  préciser si elles sont insupportables et sans espoirs. Rendons aux personnes en souffrances psychiques, aux patients, la place centrale qui leur revient. Pendant le parcours de soins osons aborder avec eux les diverses pistes / opportunités concernant la qualité de la vie et/ou la qualité de la mort. En n'en négligeant aucune. Écoutons sans juger même si ce qui est dit est difficile à entendre. J’ai mis bien du temps à comprendre qu’il ne faut pas tenter de comprendre. Deux témoignages publiés en 2010 sur le site qui t’est dédié suite à un article paru dans le journal De Morgen du 20 septembre 2010 méritent un détour tant ils résument ce dont il a été question cette après-midi : 1er Témoignage : des messages impossibles à entendre! : "Cher Pierrot, Je pleure. Ce que tu écris me bouleverse. Bien que je savais tout cela. Edith m’avait dit sa colère et sa révolte face au refus du corps médical de lui accorder l’euthanasie. C’est bien que tu aies fait connaitre son combat. Et tu le fais avec beaucoup de sensibilité, d’humilité aussi. Réalisons-nous jamais la difficulté du chemin de l’autre? Il est des messages quasi impossibles à ‘entendre’. L’euthanasie est très choquante et l’accorder à un être que nous aimons alors qu’à travers tout nous espérons qu’il s’en sorte peut être au-dessus de nos forces et de notre entendement. L’espoir peut être la plus belle mais aussi la pire des choses. Rétrospectivement, vu la violence avec laquelle Edith a mis fin à ses souffrances, c’est vrai que sa demande aurait dû être entendue. Elle aurait pu vivre une mort paisible.";  2ème Témoignage : condamnée à vivre. : "Bonjour Pierrot, J'ai lu ton article très émouvant à propos d'Edith et de sa volonté d'euthanasie. Votre histoire (à toute votre famille) est très touchante. Parfois, les mots qui viennent sont "crus" ou durs et on n'ose pas les dire. La dernière fois que j'ai vue Edith à Schaerbeek au marché (avec son groupe de patients psychiatriques de …….), j'ai eu cette impression bizarre qu'on la forçait à vivre en la "bourrant" de médicaments. Ce qui ne l'empêchait pas d'être pétillante. Elle n'était pas triste ou désespérée. Seulement elle semblait dépossédée d'elle-même. Elle donnait l'impression que "la société" ne voulait pas reconnaître sa volonté ou son choix. Elle me donnait l'impression d'être dans une cage invisible de médicaments. Ça m'a vraiment donné froid dans le dos. Est-ce que le moment venu on me forcerait aussi à une situation que je ne souhaite pas.  Quand j'ai appris la mort d'Edith, j'ai vraiment eu le sentiment que ça devait être un soulagement pour elle."

 

Non seulement tu étais bien présente tout au long de cet enregistrement mais également avant et après.

Ce soir, seul devant mon ordinateur, j’écoute deux chansons qui me rapprochent de toi : L’une d’Olivia Ruiz dont tu écoutais : « Elle panique »  ; L’autre de Lynda Lemay qui interprète : « Elle y pense chaque fois que le train passe » : 

Repose en paix Edith,

On ne t'oublie pas,

Impossible,

Papa